Un trauma ne se prend pas à la légère


Salut toi!

Ton client se présente pour reprendre confiance en lui, ou peut-être gérer une addiction (en complément d'un suivi médical), ou encore pour perdre du poids.....

Ou en fait pour toute autre raison.


Et là derrière l'arbre, se cache la forêt... Ton client fond en larme en prononçant un mot que personne n'attendait. Il te livre un secret lourd et profond. Un souvenir de viol ou d'inceste. Ou peut-être encore les marques enfouies d'un accident. Ou peut-être encore cette intervention lorsqu'il était militaire ou gendarme qui l'a marqué à jamais.


Tu as surement suivi plein de formation te donnant plein de protocoles pour gérer un trauma. 

EMDR, ritmo, EFT, EFTH, DNR...

Ou encore HOLO, Renaissance, pardon de l'âme.... 

Ou peut-être encore la méthode TRE.


Et c'est très bien. Cependant il y a une chose dont tu dois te prémunir. 


UN TRAUMA EST UNIQUE

Il n'y en a pas deux pareils. 

Il n'y en a pas deux avec les mêmes construction cognitives, les mêmes influences ni les mêmes conséquences pour ton sujet. 


Donc, tu ne peux pas résumer une prise en charge trauma à l'une de ces techniques, approches ou méthodes. Elles marcheront certainement, au moins un temps. Et si tu veux comprendre pourquoi je dis "un temps", il faut que tu te diriges vers mon article précédent sur le tabac... Ou que tu continues de lire juste en dessous.

Cette citation est d'une importance capitale pour toi thérapeute. Car il est très important que même si l'histoire du sujet te parait horrible et inimaginable, la situation n'est pas le trauma.

Si tu ne te bases que sur l'histoire et que sur ce qui te parait horrible (et que tu juges assurément comme élément déclencheur du trauma) alors tu feras fausse route. A coup sûr.

Pour autant, ta séance peut tout de même sembler marcher : 


Tu auras eu l'effet d'un doliprane sur une douleur ou une fièvre. La douleur est là... Le système immunitaire est en plein combat. Mais ton patient n'y porte plus attention. Jusqu'à ce que....


Ces approches sont donc à conserver. Car elles sont de précieux atouts pour stabiliser le sujet émotionnellement. Apporter une accalmie de quelques jours, quelques semaines ou voir même quelques mois.

Mais nous pouvons aller plus loin autrement ensuite.

Pourquoi aller plus loin s'il va mieux?

Je vais te répondre :


Parce que ce n'est pas parce qu'il va mieux qu'il est résilient.


Ce n'est pas parce que tu as la pêche après avoir pris de la cortisone que ton corps n'est pas en souffrance. D'ailleurs la plus grosse connerie que tu pourrais faire, c'est d'en prendre sans antibiotiques sur une infection... 

Pourquoi?


Parce que ça flambe.


Les traumas simples, comme les plus complexes à l'instar des ptsd, c'est pareil. A force de médicamentation, d'approches solutionnistes émotionnelles immédiates qui donnent un résultat de "mieux être" quasi immédiat, on en oublie le fond du problème.

et alors : 

Soit ton patient va mieux durablement parce que ça lui a donné le souffle de surmonter ses problématiques.

Soit il va mieux un temps... Puis s'effondre à nouveau, rattrapé par l'évolution de ses blessures et de leurs conséquences.


Aller plus loin en profitant du mieux être des approches solutionnistes, c'est comme permettre à un soldat de se reposer avant de reprendre le combat. L'objectif c'est de mettre un trait sur le passé pour qu'il ne parasite plus le présent. Mais qu'on ait eu l'intelligence, au passage, de permettre à notre soldat de tirer tout l'enseignement qui lui sera utile à son adaptation dans son nouvel environnement.

Car la clef est là : Au lieu d'une perception nihiliste et destructrice qu'il tire de ce qu'il a vécu et qui met à mal l'identité de ton patient, il faut lui permettre de construire une perception adaptative, qui lui offre la possibilité de voir tout ce qu'il n'a pas vu jusqu'alors, et qui est bénéfique pour lui, parce qu'il a vécu cette situation.

Comment permettre cette readaptation cognitive?

Pour que ce soit plus clair, lis cette brève de séance et porte ton attention sur ce que je dis et sur qui dresse l'univers dans lequel se retrouve mon sujet.


La séance du jour se passe lors d'un stage de haut niveau. Les apprenants sont mis à rude épreuve et connaissent leurs premières mises en application.

Lors de la pause méridienne, l'une d'entre eux se met en retrait. Depuis quelques jours, elle encaisse de nombreuses réflexions et remises en question qui lui font ressortir des états qu'elle pensait classés.

Ce midi donc, tout à coup, alors que chacun vaque à ses occupations, tentant de reprendre un peu de force pour terminer ce dernier jour, une autre stagiaire vient me chercher :

"Vite ! C'est Lucky ! Elle est en abréaction ! C'est violent !"

Je rejoins Lucky dehors. Cette jeune femme de 38 ans, brune aux yeux bleus, prostrée à terre, se balance frénétiquement. Ses bras encerclent ses genoux, pliés contre sa poitrine. Elle est en larmes. Pas de petites larmes de chagrin d'adulte, mais de grosses larmes frénétiques, accompagnées de ces soubresauts qu'ont les enfants lorsqu'ils vivent une grosse charge émotionnelle.

Je m'approche, et je pose une première main sur son genou en m'annonçant. Elle ne réagit pas. J'ai pour habitude ensuite de commencer à gérer les abréactions de mes sujets par l'application de SBA (Stimulation Bilatérale Alternée) au niveau des tempes.

Alors que je m'applique, sans suggestions supplémentaires, Lucky semble se calmer. Mais alors que tout semble plus gérable, un non catégorique de la tête vient interférer avec les SBA. Et la voilà repartie de plus belle.

Pensant alors à une décharge émotionnelle. Je lui dis simplement que je suis là à côté. Et je reste juste là, tout près d'elle, sans interférer, ni par la voix, ni par les gestes. Je fais juste acte de présence, passivement.

Et je laisse faire.

Au bout de quelques minutes de larmes inconsolables, de maquillage pandaïsant (néologisme stipulant l’effet panda laissé par un maquillage non waterproof après un épisode de larmes) le visage de Lucky, et de cris ponctuant les soubresauts et le balancement, Lucky se calme. Son corps s'ouvre un peu. J'enchaîne alors :

"Tu préfères que ce soit quelqu'un d'autre qui soit là ?

Elle fait non de la tête.

Ça te va que je sois là avec toi ?

Elle fait oui.

Alors on va pouvoir travailler à calmer tout ça maintenant ?

-Non, je ne veux pas le calmer ! Je veux que ça sorte ! Quitte à en crever !

-Quitte à en crever carrément ! Bon ben on va faire sortir tout ça alors, mais on n'est pas obligé de crever pour autant hein (avec un ton d'humour et de dérision)

-Non bien sûr que non.

-Parfait.... Elle est où cette émotion ?

-Je ne sais pas. C'est tout noir, je ne vois rien.

-Tu entends peut-être. (Micro-expression de surprise et de peur chez Lucky)

Là !

Elle porte alors ses mains à ses oreilles et hurle ! "C'est horrible ! C'est horrible !" Repartant de plus belle en abréaction.

-Lucky ! Ouvre les yeux ! Regarde-moi !

Elle ouvre les yeux. Toujours effondrée de terreur

Bien et maintenant tu restes avec moi, tu me regardes dans les yeux et tu ne me lâches plus ok !

Elle fait oui de la tête.

Super. Maintenant où es-tu ? (Ses yeux se ferment et ses paupières tremblent. Puis ils se réouvrent...

-Dans le salon. Il y a eu un coup de feu

-Très bien. Maintenant dis-moi ce qu'il y a à droite.

-Il n'y a rien, il y a le mur. Personne je suis toute seule.

-Très bien. Et je vais te confier une grande responsabilité là. Tu vas surveiller ce mur. Pour ça il va te falloir toutes tes forces et ton courage. C'est ok pour toi ?

-Oui.

-Super ! Je compte sur toi, tu m'appelles dès qu'il se passe quelque chose.

-Oui.

Elle se calme. Toujours plongée dans un salon alors qu'elle a 7 ans. Peu à peu les émotions se calment et nous arrivons dans une charge propice au travail.

J'enchaîne alors.

-Lucky. Quel âge as-tu ?

-7 ans.

-Où es-tu ?

-Chez mes parents. Il y a eu un coup de feu.

-Comment te sens tu ?

-J'ai peur. Je crois que quelqu'un est mort. Je ne veux pas aller voir.

-Stop.

Et tu peux regarder toute la scène comme si elle était complètement figée. Seule toi peut encore y circuler. Il fait jour ou nuit ? Tu es petite n'est-ce pas... Et tu sais que tout cela appartient à un moment précis du passé ?

-Oui.

-Parfait. Et la scène reprend. Comment tu te sens ?

-J'ai peur de ce qui s'est passé. Je crois que mon papa est mort.

-Et que veux-tu faire ?

-Je ne sais pas. Je ne peux rien faire.

-Et la grande Lucky voit la petite Lucky dans cette situation. Tu la vois ?

-Oui (avec une voix d’adulte. Alors que jusque-là sa voix faisait penser à celle d'un enfant.)

-Et qu’aimerais-tu lui dire là pour l'aider dans cette situation ?

-Je ne sais pas.

-Et que pourrais-tu faire ?

-Je ne sais pas. Je me sens impuissante. Aussi impuissante que quand j'avais 7 ans.

(Attention. C'est à partir de là que le travail prend un tout autre sens, et que l'on vient s'attarder sur les évènements en causalité et conséquences de l'événement sur lequel on travaille. Que l'on va chercher un autre axe d’influence de la construction identitaire pour nourrir les ressources des deux projections du sujet (adulte et enfant.)

 

-Bien. Et la grande Lucky retourne à la petite Lucky.

Bonjour Lucky. Tu as entendu cette voix ?

-Oui. C'est moi grande !

-Et elle te dit quoi ?

-Qu'elle est impuissante. Qu'elle aimerait bien m'aider mais qu'elle ne peut pas.

-Très bien... Et tu as entendu un coup de feu c'est ça ?

-Oui. Et j'ai peur. Je pense que mon papa est mort.

-Et quand tu regardes la grande Lucky qui a grandi avec toute cette peur et cette impuissance, tu voudrais lui dire quoi ?

-....

-Car elle a grandi malgré tout. Elle a réalisé des choses. Elle s'est construite. Comme adulte...

-Je voudrais lui dire qu'elle est forte. Elle est plus forte que ça.

-Dis-lui.

-Tu es plus forte que ça.

-Elle t'a entendu ?

-Oui.

-Et la grande Lucky regarde la petite Lucky. Tu as entendu ça

-Oui.

-Et comment te sens tu ?

-Plus forte.

-Et maintenant que veux-tu dire à cette petite Lucky, qui a entendu un coup de feu quand elle était petite et qui a peur, et qui se sent impuissante ?

-Que ça va aller.

-Dis-lui !

-Ca va aller maintenant tu es plus forte que tu ne le penses.

-Parfait. Et comment se sent elle ?

-Mieux.

-Et la grande Lucky retourne à la petite Lucky.

Comment tu te sens ?

-Je me sens mieux. J'ai moins peur.

-Très bien.

Et maintenant le temps passe. Un an... Deux ans...

Bonjour Lucky. Quel âge as-tu ?

-16 ans.

-Et que fais-tu ?

-Je suis à une fête.

-Et c'est cool ?

-Oui.

-Et quand tu repenses à ce qu'il s'est passé il y a quelques années...

-Ca va. J'ai eu très peur parce que j'étais jeune. Mais aujourd'hui ça va. Ça m'a renforcé.

-Super.

Je ferai intégrer ensuite tout cela dans une autre projection au sein de la même transe. Lucky y restera quelques longues minutes.

Puis elle revient enfin. Pétillante, le regard vif. Silencieuse et se souvenant de quasiment toute l'expérience. Mais beaucoup plus légère, éveillée et joyeuse dans son comportement.

Le jour et la nuit.

Nous débriefons la séance ensemble, puis elle me donne l'autorisation de publier ceci pour vous.



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