Tu appréhendes tes séances et c'est très bon signe!

(Ou pas!)

Salut toi!

Ca fait quelques supervisions que je tiens et où j'entends ce genre de phrases : 

"Je ne me sens pas prêt (ou prête) à recevoir un patient"

"J'ai peur pour ma prochaine séance, j'appréhende de me retrouver face à mon client"

Tu veux que je te dise? C'est surement bon signe.

Les phrases de type "il faut oser!", "lance-toi", "c'est normal au début" ne t'ont pas aidées DU TOUT. Tu es toujours là, devant ton ordi, suant comme un phoque se dorant la pilule dans les caraïbes en voyant les heures qui te séparent de ta prochaine séance fondre au soleil...

Oui. C'est normal que tu flippes. 

"Est-ce que je vais y arriver?"

"Est-ce que je me suis assez préparé?"

"Qu'est ce que je peux revoir de plus pour être sûr d'être au niveau?"

Toutes ces réflexions qui te viennent sont censées rester tout au long de ta carrière. 

Enfin normalement. 

Elles sont le son de cloche qui annonce (au moins en partie) pourquoi tu veux faire ce métier, et quelle énergie tu y mets pour combler cette raison.

Et là il y a deux questions à se poser alors, immédiatement, dès que tu ne te sens pas à l'aise : 

Tu as le souci de ton patient et tu te demandes comment ne pas créer plus de problèmes que ce qu'il n'a déjà. C'est bien. 

Parce que non, l'hypnose n'est pas complètement inoffensive. Et là, on ne joue pas avec des branches d'osier à faire des paniers et des jolies décos pour notre nouvelle yourte new age.

Dans ce métier, ce sont des hommes et des femmes que tu as entre tes mains. Des gens comme toi et moi qui arrivent avec leur vécu. 

Et ça mérite que tu doutes.

Parce que l'erreur n'est pas une option. 

Et si tu doutes, c'est que l'erreur est possible. 

Donc il faut bosser. 

Plus. 

Encore plus.

A l'armée, l'erreur n'est pas une option non plus. Si tu te plantes le jour de l'opé, t'es mort. Littéralement.

Point.

Et comme personne n'a envie de mourir, la seule contre mesure possible, c'est d'être absolument certain de ce que l'on va faire. 

Pour ça, on a une arme ultime : le DRILL.

Le DRILL, c'est la mise en œuvre intensive de toutes les méthodes d'entraînement qui te sont exploitables, n'importe où, n'importe quand.

ça va de la séance de renforcement musculaire à 5h du mat' pour être échauffé et réveillé pour le petit dej, à la séance de démontage/remontage de ton arme les yeux bandés, dans le noir, les mains dans le dos, en chantant la strasbourgeoise en Alsacien, en passant par les manoeuvres grande envergure, les manoeuvre spécialisées (comme les MEDICHOS) les prépa avant projection en opérations extérieures... Etc...

En version thérapeute, c'est quand même plus doux : 

C'est tout ce que tu peux mettre en œuvre, non pas pour préparer CETTE séance, mais pour te préparer à tenir N'IMPORTE QUELLE séance.

J'ai au moins 3 exercices que tu peux réaliser pour cela. Je t'en offre un ici : 

La visualisation mentale : jusque là, facile, c'est dans tes cordes. Tu te poses dans ton meilleur fauteuil, (ou tu te mets en mode warrior, à faire ta séance de  pompes abdos-fessiers en mode brute Insanity histoire de joindre l'utile à l'agréable, et de te mettre un peu en mode stress essoufflement et fatigue) et tu te plonges profondément dans une séance.

Tu visualises ton patient, l'endroit dans lequel vous êtes et tous les éléments qui te sont utiles à prendre en compte pour mener une séance. 

Puis tu travailles tous les scénarii possibles et imaginables des versions de la séance, pour chacune des actions que tu suggères. 

(Si je suggère ça, de quelle manière mon sujet réagit? S'il réagit comme ça c'est à cause de quoi? Est-ce qu'il peut réagir autrement?  Et je peux rebondir comment pour chacune des manières dont il réagit? Pourquoi je choisis de rebondir comme ça? Quelles conséquences ça a sur la séance? Est-ce que je peux rebondir autrement?)

Et tu rembobines, tu fais des pauses, des avances rapides... Des lectures au ralenti... Pour tester toutes les suggestions, toutes les réactions, toutes les conséquences, toutes les adaptations.... TOUT.

L'objectif de cet exercice, c'est de bosser ta réflexion, ton analyse de situation, ta mobilisation des compétences que tu maitrises... C'est aussi pouvoir remarquer tes faiblesses, les choses qu'il reste à travailler, ce qui t'angoisse, et ce que tu te sens d'affronter, ou au contraire, ce qui te déstabilise. 

Ta séance en vrai ne ressemblera surement à aucun des scenarii. Mais en drillant intensivement, exercices après exercices, tu auras développé des automatismes d'adaptation. Et tu seras plus confiant et plus prêt à faire face à des imprévus. Tu auras su aussi repérer tes axes d'amélioration, et tu pourras retourner en formation pour les travailler, ou te faire suivre en supervision.

En faisant cela, tu vas aussi apprendre à faire des choix techniques et stratégiques sur la manière de mener tes séances. Tu vas apprendre à peser le poids des conséquences de ces choix. Et tu vas apprendre à les assumer, et à en assumer les issues.

Et de fait tu vas booster ta confiance en toi. 

Là le problème est tout autre. 

Je vais être cash.

T'es pas le centre de la terre. 

T'es pas là pour plaire à ton professeur (ou pire à ton client, parce que là on ne peut pas parler de patient...) comme une gamine de 12 ans qui a la main levée en permanence en classe tellement elle est heureuse de montrer à tout le monde que "MOI JE SAIS!" ou "MOI J'AI LA SOLUTION!"

Tu as choisi un métier où on prend une responsabilité lourde. Celle de fournir toutes nos compétences pour aider des gens. 

Tu seras pas le meilleur. Parce qu'il n'y a pas de compétition. 

Il y a par contre une évaluation permanente et objective. 

L'évaluation que tu as TOI sur TOI-MÊME et sur tes compétences. 

Puis ensuite, l'évaluation critique qu'auront des gens de confiance, et avec assez d'intelligence pour te fournir les arguments pertinents qui vont te permettre de t'améliorer. 

( ET non... "il faut oser" n'est pas un argument pertinent. "On m'a appris comme ça alors c'est bon..." non plus.)

Pose toi ces questions :

Qu'est-ce que tu es capabe de faire pour l'autre?

Dans quel contexte?

Sous quel cadre?

Dans quelles limites?

Avec quelles responsabilités?

Qu'est ce que tu dois encore améliorer AVANT de prendre en charge quelqu'un?

Est-ce que tu as besoin d'aide pour ça? (Au passage je peux te suivre en supervision! c'est pas top ça?)

Dans ce métier, on ne montre pas, on fait. 

Et on ne fait pas pour se montrer sur des milliers de vidéos youtube pour se faire brosser à coup de like et d'étoiles. 

On fait ce qu'on peut pour aider des gens en souffrance.

Des fois ça suffit. Des fois ça suffit pas. 

Ne pas réussir, c'est pas forcément se planter. Parce qu'il y a des milliers de variables qui vont influencer ton sujet et l'issue de son changement que TU NE CONTROLES PAS.

Ce qui compte c'est de pouvoir identifier SI tu t'es planté, ou si le fait que la séance n'ait pas abouti à l'objectif est dû à l'une de ces variables que tu ne maîtrises pas.

Comme un chirurgien qui va perdre son patient sur la table alors qu'il est venu pour une simple appendicite. Il va pas se lamenter parce que cette fille de 20 ans est morte sur sa table.

Ca va le marquer. C'est sûr. Mais il va reprendre ses compétences, ses process, ce qu'il a mit en place, pourquoi, comment...

Il va analyser en profondeur chacun des gestes qu'il a effectué et chacune des décisions qu'il a prise. (entre deux larmes et 3 chariots balancés contre le mur)

Il va le faire pour lui. Et il va le faire lui-même. Pour évaluer s'il a vraiment fait une connerie et s'il doit assumer la mort de cette jeune fille.

Et il acceptera d'être radié de l'ordre des médecins. Et il paiera une amende. Et il ira peut-être même en taule.

Ou, si la disparition de la jeune fille aurait pu être évitable malgré l'absence d'erreur de sa part. 

Il va prendre en compte les variables.

Et il va en tirer un apprentissage, pour faire en sorte que jamais ça ne se reproduise, parce qu'il aura su aller chercher dans les profondeurs de ses compétences l'énergie nécessaire à les faire évoluer, en prenant en considération de nouvelles données.

Tu n'es pas là pour sauver le monde. Un praticien en hypnose n'a jamais sauvé personne. 

Tu n'es pas là pour prouver au monde que tu es le meilleur hypno que la planète n'ait jamais connu.

Tu mets simplement à disposition des compétences qui ont été réfléchies, qui sont maitrisées, qui sont d'un très haut niveau de professionnalisation (à condition que tu te sois donné les moyens d'arriver à ce niveau de compétences) et qui respectent un code éthique personnel et consensuel, pour faire ce que tu peux, à ton niveau, pour essayer d'aider des gens, dans ce cadre de compétence. 

Et tu t'appliques une rigueur et une discipline monstre pour t'assurer, à chaque séance, que tu as bien fait tout ce que tu pouvais sans sortir de ce cadre, avec l'humilité de pouvoir dire "non, là je ne peux rien faire de plus et ce n'est pas de mon ressort".

Et tu sais analyser en permanence ton travail pour savoir si tu as merdé, quand tu as merdé et pourquoi tu as merdé, pour assumer, corriger, t'améliorer, et toujours aller chercher l'excellence inaccessible (car toujours repoussée) de ta pratique.

Enfin quand c'est encore possible.

Sinon il ne te reste plus qu'à assumer tes conneries.

Tu veux éviter d'en faire? Reprends le passage sur le DRILL et mets toi au boulot dès maintenant!