Quand ton patient veut arrêter de fumer 


Salut toi!

Ton client veut arrêter de fumer. C'est génial. En tant que professionnel de l'accompagnement en lien avec les professions de santé, tu peux le féliciter pour cette décision qui entre dans les recommandations de l'HAS.

Tu as surement dû te préparer à cet instant, et suivre une formation pour la prise en charge du tabac. Bravo. C'est une vraie conscience professionnelle. Ton client bousille sa vie en montant sa clope au bec et en ruinant le pouvoir d'achat de la famille, et il est important d'apprendre comment tu peux l'aider.

Ce sont d'ailleurs de bons arguments pour le recadrer et le convaincre d'arrêter! peut-être t'a-t-on appris à appuyer sur le porte feuille, à jouer avec les dégâts sanitaires, à insister sur les détails trash et gores provoqués par le tabac avant de commencer ta séance d'hypnose, en plus de ce que l'on voit déjà sur les paquets.

Durant cette formation, tu as peut-être appris comment jouer avec les sens, en demandant à ton patient de préparer une coupelle avec tous ces mégots collectés durant une semaine avant le rendez-vous tant attendu. 

Peut-être utilises-tu un protocole de voyage sur la planète des fumeurs, en lui faisant remarquer comme il est nauséabond, sale, moche et enfumé, avant de l'emmener à se ballader dans le monde merveilleux des non fumeurs...

Ou peut-être encore utilises-tu une technique époustouflante de street hypnose comme une rupture de pattern, suivie d'une suggestion direct en mode "DORS! TU NE FUMES PLUS AU COMPTE DE 5. A 5 TU SERAS DEFINITIVEMENT NON FUMEUR"


Bravo. Toutes ces "techniques" ont le pouvoir de fonctionner. 


Oui mais....

Mais voilà. Ca fait 3 mois que ton patient ne fume plus. C'est dur pour lui, mais il n'a pas retouché une cigarette. Ou si, mais alors le vomito qui est arrivé juste après la première taffe l'a "guéri" instantanément de son problème de tabagisme....

Il respire mieux. Il fait des économies... Enfin... Ca commençait bien.

Jusqu'à ce qu'il se rende compte qu'il a pris 5, 10 ou même 20 kg... Ou qu'il a maintenant 3 packs de bonbons entamés dans son bureau, qu'il a acheté en gros à l'usine Haribo à sa dernière visite à Uzès. Cette visite qui d'ailleurs est devenue mensuelle.

Ou peut-être qu'il se sent anxieux ou stressé en permanence, qu'il se sent rejeté par son équipe au travail, ou qu'il a l'impression que "quelque chose" lui manque, sans pour autant se dire qu'il refumerait bien une petite clope.

Ca marche. Mais pourquoi ça marche?

Alors tu vas me dire : 

"c'est pas mon problème... Il est venu pour arrêter de fumer. Il a arrêté, j'ai fait le job."

Et tu as raison.

Mais imagine si tu pouvais être ce thérapeute qui peut éviter au maximum ce genre de désagrément, ou même ce genre de nouveaux problèmes à ton patient?

Ce ne serait pas juste beaucoup mieux pour toi professionnellement et pour lui personnellement?


Première chose que l'on pourrait faire, c'est de se demander pourquoi ça a marché...

Pourquoi ton patient a arrêté de fumer?

Est-ce que le changement de positionnement et d'opinion face à la cigarette vient de lui? Ou de toi?

Parce que lui est venu avec une envie d'arrêter. Mais le moyen utilisé? Est-ce que ça vient profondément de lui?

Si on prend les cas au dessus ça vient du thérapeute. C'est le thérapeute qui instaure les préparatifs pour dégouter sous hypnose, que ce soit par imagination ou par exacerbation des sens.

Et c'est encore le thérapeute qui passe l'injonction de "tu ne fumeras plus" dans la version hypnose rapide...


Vient la seconde remarque que j'attends :

"Si ça marche, c'est qu'il le veut, puisqu'on ne peut pas faire faire à quelqu'un quelque chose qu'il ne veut pas faire sous hypnose"

c'est mignon...

Partons du constat que c'est vrai. Ton patient est engagé à arrêter. Il vient te voir toi, fais l'effort de prendre rendez-vous, de collecter ses mégots.... De prendre sa voiture, avec son bocal et son dernier paquet, ainsi que toute sa collection de briquets....


Bien sûr qu'il a envie. Et en plus il te fait confiance. Tu as les pleins pouvoirs pour lui. Donc quelle que soit la technique, avec la "force de ton intention" et ta conviction qu'elle est bonne et efficace, tu vas la pratiquer avec confiance. Et donc, ton patient va y accorder de la crédibilité, et même toute sa foi. C'est la force des biais d'influence, comme l'autorité, la cohérence l'engagement, et pour peu que tu aies des avis google à foison avec tes 5 étoiles, la preuve sociale.

Ce sont ces biais d'influence qui font 90% du boulot de tes techniques citées ci-dessus.

Mais quelles répercussions et quelles conséquences (en plus de celle attendue) va avoir potentiellement ta démarche, aussi bonne soit-elle, sur ton sujet?

Si comme moi tu as envie qu'il y en ait le moins possible, alors lis la suite...

Comment limiter les conséquences de l'arrêt?

Une addiction, ce n'est pas qu'une question de volonté. Qu'elle soit psychique ou physique, elle a des répercussions sur le fonctionnement de notre métabolisme, mais aussi sur notre vie sociale, sur notre façon de se percevoir et notre façon d'interagir avec nos environnements.

En gros, une addiction fait littéralement partie de nos vies, nouant des liens complexes avec notre rapport à soi, notre rapport aux autres et notre rapport à soi par rapport aux autres... 

Il y a autant de raisons de commencer à fumer qu'il y a de fumeur (pas loin de 13 millions en France). Il y a ceux qui ont cette clope pour s'assurer la fameuse "pause 3C avec les collègues de la compta" à toute heure de la journée. Il y a ceux qui mettent la cigarette au bec pour "être plus swag" ou "faire plus grand". Il y a ceux qui fument parce que "ça les calme" ou parce que "ça rappelle de bons souvenirs."

Le seul point commun à toutes ces raisons, c'est qu'il y a une cause qui a provoqué le début de la carrière de fumeur de ton patient.

Cette cause, qu'elle soit sociale, psycho comportementale, traumatique, émotionnelle ou autre, c'est ce qu'on peut appeler le "motivateur". 

Le motivateur c'est le petit diable qui te donne un besoin pressant à régler à tout prix, que ton client en ait conscience ou qu'il le refoule.

La cigarette, c'est le pansement. C'est la réponse au besoin du motivateur. 


Supprime la cigarette sans travailler le motivateur, et ton patient aura trois choix : 

soit reprendre la cigarette (chose pas possible si tu l'as bien écoeuré...)

soit trouver un nouveau pansement au motivateur.

Soit affronter le motivateur (mais en général ça c'est trop douloureux tout de suite...)


Parce qu'avec les types de prises en charge citées au dessus, il aura toujours ce besoin de s'intégrer au groupe. 

Il aura toujours ce besoin de s'identifier à une grande personne confiante et sûre d'elle. 

Il aura toujours besoin de retrouver sa "madeleine de Proust" dans l'odeur du tabac froid...


Alors bon... On va pas forcément bosser sur une systémie à chaque arrêt tabac, parce que ça peut être long, compliqué et que tu ne te sens pas forcément l'envie ou la capacité. Ca peut se comprendre, surtout qu'en utilisant les techniques au dessus, ça marche, souvent en une séance... Alors bon... Pourquoi se compliquer le boulot?


Moi, j'aime le goût de la chose, le goût de la chose bien faite, et on ne trouve pas forcément l'interlocuteur, je dirais... Le miroir qui nous aide à avancer. 

Sois le miroir qui m'aide à avancer dans mon arrêt tabac (bordel!)

Et concrètement?

Va lui permettre de trouver ses éléments "motivateurs". Va lui permettre d'identifier ou de mettre à jour ce qui le motive à sortir de son paquet le "fruit défendu".

Que tu aimes les techniques monologuiales ou tu leur racontes un voyage dans un endroit spécifique, ou que tu aimes utiliser des techniques très rapides et surprenantes, ou quelles que soient tes skills d'hypnotiseurs, tu as le pouvoir et l'intelligence d'aller plus loin et de faire mieux.

Tu as le pouvoir de te faire plaisir dans ta pratique tout en rendant le jeu un peu plus complexe, mais surtout beaucoup plus respectueux pour ton patient, en trouvant le moyen qu'il construise ses propres "contre-motivateurs".


Ne pars plus dans la facilité du dégoût, qui peut être si ravageuse pour ton patient.


Utilise des mots plus larges, et plus neutres. Fais des phrases moins longues et pèse le poids de chacune de tes suggestions, de façon à identifier : 


Si tu te poses ces questions avant d'ouvrir la bouche, ou en préparant ton script soigneusement pour ta séance (si tu utilises des scripts) Alors tu devrais te rendre compte que tes séances deviendront beaucoup plus riches et intéressantes, que ton patient aura moins tendance à compenser l'arrêt dans une autre manie ou une autre addiction (parce que ce qui le motive à arrêter viendra de lui) et que tu obtiendras, en plus, exactement le même résultat bluffant qu'avec les autres techniques. 

Je vais même te dire, l'effet wouaouh devrait être encore plus fort!

Petite brève de séance en cadeau!

Pour que ce soit plus clair, lis cette brève de séance et porte ton attention sur ce que je dis et sur qui dresse l'univers dans lequel se retrouve mon sujet.

Tu verras que les décisions prises par le sujet lui même sont bien plus fortes et bien plus respectueuses que tes propres décisions pour lui!


Cette séance est de celles que l’on n’attend pas, hors d’un moment de travail, totalement impromptue. En plus de ne pas se présenter dans un moment opportun, le contexte n’était absolument pas favorable à l’utilisation de l’hypnose de manière visible.


Début janvier 2019, alors que je me trouve sur l’évaluation des futurs secouristes militaires, qui arrivent à la fin de leur formation initiale, et que l’hypnose n’est absolument pas un élément du programme d’enseignement, un des élèves vient me voir et me demande si je peux le faire arrêter de fumer…

MOI : Tu crois vraiment que c’est le genre de chose qu’on fait quand on est secouriste ?

Lui : Euh non Caporal-Chef, mais euh… J’ai tapé votre nom sur google et j’ai vu vos livres et votre site.

Moi : Ah… Un fouineur… (avec un petit sourire) Tu sais ce n’est pas tellement l’endroit pour parler de ça… Le nouveau commandement n’est pas « fan » de ce genre de pratique…

Lui : Oui mais on m’a dit que vous aviez fait des trucs de fou ici sur les élèves. Les tests sur la douleur et tout. C’est ouf. Et j’ai vraiment envie d’arrêter de fumer mais j’arrive pas.

Moi : Qui t’a raconté ça ? … Non laisse tomber. Tu fumes à quelle fréquence ?

Lui : Ben là actuellement un paquet par jour. Mas c’est surtout le soir ou quand je bois avec les collègues. Là je peux fumer un paquet de plus.

Moi : depuis quand ?

Lui : depuis que j’ai 13 ans.

Moi : (je jette un œil à gauche à droite. Les autres apprenants sont occupés et mon collègue est en train de les évaluer. Nous sommes un peu en retrait… Je n’aurai pas beaucoup de temps, mais… Pourquoi pas tester…..) Tu te rappelles du premier jour où tu as fumé ?

Lui : Oui.

Moi : t’es où ?

Lui : c’est à Nimes, dans le parc de la cité.

Moi : A Nîmes ? ( je répète  en tendant la paume de ma main devant ces yeux et en désignant celle-ci avec l’index de mon autre main. Son regard se pose alors au point désigné et il me répond « oui »)

Dors ! (Tout en rapprochant cette main paume ouverte vers ces yeux, et ma main droite posée dans sa nuque…. Son corps se relache, j’appuie le long de sa colonne suggérant non verbalement que son corps reste droit. Personne ne nous a porté attention)

Où es tu ?

Lui : Derrière l’arbre.


Moi : Que fais tu ?


Lui : Je traîne.

Moi : Tout seul ?

Lui : Non il y a mon frère et mon cousin.

Moi : Et ils font quoi ?

Lui : Ils me tendent une cigarette.

Moi : Et tu la prends ?

Lui : Oui

Moi : Pourquoi ?

Lui : Pour faire comme les grands.

Moi : Stop ! et le grand Toi, de toute ton expérience, regarde le petit toi prendre la cigarette. Comment te sens tu ?

Lui : Enervé.

Moi : Pourquoi ?

Lui : Faut pas fumer.

Moi : Il le sait lui ?

Lui : Non.

Moi : Et comment il pourrait le savoir là ?

Lui : Je peux lui dire.

Moi : fais le.

Lui : (prends un air en colère et autoritaire et dis) Pose ça. Faut pas fumer.

Moi : Il t’a entendu ?

Lui : Un silence… Puis crie POSE CA JE TE DIS !!!

Moi : (me retournant vers les autres qui se demandent ce qui se passent, et mimant de poser un stylo) ok ok je pose c’est bon ! ( puis une fois les autres retournés à leurs affaires….) Qu’a-t-il fait ?

Lui : Il a jeté la cigarette.

Moi : et tu retournes dans le petit toi. Comment tu te sens ?

Lui : j’ai jeté la cigarette.

Moi : Pourquoi ?

Lui :  je suis pas fumeur. Jai pas besoin de ça.


Moi : super. (je sers légèrement sa main, discrètement) et te voilà quelques années plus tard. Que fais tu ?


Lui : Derrière l’arbre.

Moi : Quel âge as-tu ?

Lui : 15 ans.

Moi : et tu fais quoi ?

Lui : On traine là. Mon frère il fume son chichon.

Moi : Et toi ?

Lui : Moi je vais aller faire la muscu.

Moi : Et le chichon ?

Lui : Ben quoi le chichon ?

Moi : Tu fumes ?

Lui : Non, je suis pas fumeur. Jaime pas ça moi.


Après un retour avec un temps d'intégration, je le laisse droit, encore en transe, lui suggérant qu’il reviendra ici et maintenant à son rythme.

Je suis appelé sur l’évaluation d’un autre personnel et le laisse là dans un coin de la salle, seul et tournant le dos à tous, droit et immobile, pendant que je m’occupe d’accaparer l’attention de tous les autres sur des explications d’un geste technique (exsufflation à l’aiguille sur un pneumothorax compressif)

Quelques minutes plus tard, je le vois bouger. Je me dirige vers lui, il est un peu perdu et désorienté. Je lui dis « ça va ? » Il me réponds que oui mais il ne sait pas pourquoi il est là dans la pièce, alors qu’il était près du blessé juste avant. Je comprends qu'une amnésie s'est installée, ne divulgue rien de l’évènement et réponds simplement qu’il s’est éclipsé pour aller lire des informations au tableau.


Quelques jours plus tard, alors que je n'étais pas convaincu de cette séance, ce personnel me croise dans les couloirs. Je lui dis « Alors la cigarette ? » Il me réponds « quoi la cigarette ? »

Moi : Ben tu veux pas venir fumer ?

Lui : Mais je fume pas moi !


Pensant qu’il se foutait de moi, je lui dis ok ! j’ai dû me tromper ! salut !


Fin du stage, 10 jours plus tard, il revient me voir en me disant : « vous m’avez fait quoi ? »


Moi : « Quoi donc ? »

Lui : Tout me revient… Je vous ai demandé de plus fumer, et là, c’est comme si j’avais jamais fumé. On a fait la fête hier et mes potes m’ont dit « mais tu fumes plus ???? »  

et là j’ai compris…. Je suis pas fumeur. Merci !


Presque deux mois après, le personnel n'a jamais retouché de cigarette, ni de marijuana et n'en a absolument pas envie.


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