Pour que ce soit plus clair, lis cette brève de séance et porte ton attention sur ce que je dis et sur qui dresse l'univers dans lequel se retrouve mon sujet.
Tu verras que les décisions prises par le sujet lui même sont bien plus fortes et bien plus respectueuses que tes propres décisions pour lui!
Cette séance est de celles que l’on n’attend pas, hors d’un moment de travail, totalement impromptue. En plus de ne pas se présenter dans un moment opportun, le contexte n’était absolument pas favorable à l’utilisation de l’hypnose de manière visible.
Début janvier 2019, alors que je me trouve sur l’évaluation des futurs secouristes militaires, qui arrivent à la fin de leur formation initiale, et que l’hypnose n’est absolument pas un élément du programme d’enseignement, un des élèves vient me voir et me demande si je peux le faire arrêter de fumer…
MOI : Tu crois vraiment que c’est le genre de chose qu’on fait quand on est secouriste ?
Lui : Euh non Caporal-Chef, mais euh… J’ai tapé votre nom sur google et j’ai vu vos livres et votre site.
Moi : Ah… Un fouineur… (avec un petit sourire) Tu sais ce n’est pas tellement l’endroit pour parler de ça… Le nouveau commandement n’est pas « fan » de ce genre de pratique…
Lui : Oui mais on m’a dit que vous aviez fait des trucs de fou ici sur les élèves. Les tests sur la douleur et tout. C’est ouf. Et j’ai vraiment envie d’arrêter de fumer mais j’arrive pas.
Moi : Qui t’a raconté ça ? … Non laisse tomber. Tu fumes à quelle fréquence ?
Lui : Ben là actuellement un paquet par jour. Mas c’est surtout le soir ou quand je bois avec les collègues. Là je peux fumer un paquet de plus.
Moi : depuis quand ?
Lui : depuis que j’ai 13 ans.
Moi : (je jette un œil à gauche à droite. Les autres apprenants sont occupés et mon collègue est en train de les évaluer. Nous sommes un peu en retrait… Je n’aurai pas beaucoup de temps, mais… Pourquoi pas tester…..) Tu te rappelles du premier jour où tu as fumé ?
Lui : Oui.
Moi : t’es où ?
Lui : c’est à Nimes, dans le parc de la cité.
Moi : A Nîmes ? ( je répète en tendant la paume de ma main devant ces yeux et en désignant celle-ci avec l’index de mon autre main. Son regard se pose alors au point désigné et il me répond « oui »)
Dors ! (Tout en rapprochant cette main paume ouverte vers ces yeux, et ma main droite posée dans sa nuque…. Son corps se relache, j’appuie le long de sa colonne suggérant non verbalement que son corps reste droit. Personne ne nous a porté attention)
Où es tu ?
Lui : Derrière l’arbre.
Moi : Que fais tu ?
Lui : Je traîne.
Moi : Tout seul ?
Lui : Non il y a mon frère et mon cousin.
Moi : Et ils font quoi ?
Lui : Ils me tendent une cigarette.
Moi : Et tu la prends ?
Lui : Oui
Moi : Pourquoi ?
Lui : Pour faire comme les grands.
Moi : Stop ! et le grand Toi, de toute ton expérience, regarde le petit toi prendre la cigarette. Comment te sens tu ?
Lui : Enervé.
Moi : Pourquoi ?
Lui : Faut pas fumer.
Moi : Il le sait lui ?
Lui : Non.
Moi : Et comment il pourrait le savoir là ?
Lui : Je peux lui dire.
Moi : fais le.
Lui : (prends un air en colère et autoritaire et dis) Pose ça. Faut pas fumer.
Moi : Il t’a entendu ?
Lui : Un silence… Puis crie POSE CA JE TE DIS !!!
Moi : (me retournant vers les autres qui se demandent ce qui se passent, et mimant de poser un stylo) ok ok je pose c’est bon ! ( puis une fois les autres retournés à leurs affaires….) Qu’a-t-il fait ?
Lui : Il a jeté la cigarette.
Moi : et tu retournes dans le petit toi. Comment tu te sens ?
Lui : j’ai jeté la cigarette.
Moi : Pourquoi ?
Lui : je suis pas fumeur. Jai pas besoin de ça.
Moi : super. (je sers légèrement sa main, discrètement) et te voilà quelques années plus tard. Que fais tu ?
Lui : Derrière l’arbre.
Moi : Quel âge as-tu ?
Lui : 15 ans.
Moi : et tu fais quoi ?
Lui : On traine là. Mon frère il fume son chichon.
Moi : Et toi ?
Lui : Moi je vais aller faire la muscu.
Moi : Et le chichon ?
Lui : Ben quoi le chichon ?
Moi : Tu fumes ?
Lui : Non, je suis pas fumeur. Jaime pas ça moi.
Après un retour avec un temps d'intégration, je le laisse droit, encore en transe, lui suggérant qu’il reviendra ici et maintenant à son rythme.
Je suis appelé sur l’évaluation d’un autre personnel et le laisse là dans un coin de la salle, seul et tournant le dos à tous, droit et immobile, pendant que je m’occupe d’accaparer l’attention de tous les autres sur des explications d’un geste technique (exsufflation à l’aiguille sur un pneumothorax compressif)
Quelques minutes plus tard, je le vois bouger. Je me dirige vers lui, il est un peu perdu et désorienté. Je lui dis « ça va ? » Il me réponds que oui mais il ne sait pas pourquoi il est là dans la pièce, alors qu’il était près du blessé juste avant. Je comprends qu'une amnésie s'est installée, ne divulgue rien de l’évènement et réponds simplement qu’il s’est éclipsé pour aller lire des informations au tableau.
Quelques jours plus tard, alors que je n'étais pas convaincu de cette séance, ce personnel me croise dans les couloirs. Je lui dis « Alors la cigarette ? » Il me réponds « quoi la cigarette ? »
Moi : Ben tu veux pas venir fumer ?
Lui : Mais je fume pas moi !
Pensant qu’il se foutait de moi, je lui dis ok ! j’ai dû me tromper ! salut !
Fin du stage, 10 jours plus tard, il revient me voir en me disant : « vous m’avez fait quoi ? »
Moi : « Quoi donc ? »
Lui : Tout me revient… Je vous ai demandé de plus fumer, et là, c’est comme si j’avais jamais fumé. On a fait la fête hier et mes potes m’ont dit « mais tu fumes plus ???? »
et là j’ai compris…. Je suis pas fumeur. Merci !
Presque deux mois après, le personnel n'a jamais retouché de cigarette, ni de marijuana et n'en a absolument pas envie.