Quand ton client n'est "pas réceptif à l'hypnose"

(Il résiste le coquin!)


Salut toi!

Aujourd'hui, rien à faire.... Tu as tout testé. Tu as fait des "convincers" en menant préalablement ton prétalk à la perfection. Tu as bien expliqué que l'hypnose était un état naturel qu'on rencontrait 5 à 10 fois par jour sans s'en rendre compte. Tu as même dit qu'il était impossible de faire faire quelque chose au client qu'il ne voudrait pas faire. 

Peut-être même qu'en plus, tu viens de passer 45 minutes sur ta séance d'1h30 (voir plus de 2h?) à dresser une anamnèse de feu pour finir par dire à ton patient qu'il faut aller rencontrer son enfant intérieur.


Tu as pourtant le dernier fauteuil à la mode de chez Ikea. Tu as particulièrement sélectionné ton plaid pour sa marque, sa douceur et son coté réconfortant. Tu as même ce petit guéridon où tu es prêt à dégainer ta tasse d'infusion menthe sureau camomille.


Et en plus, cela fait 10 jours que ton client s'entraîne avec les audios que tu lui as enregistré spécialement pour lui à partir de ton script "enfant intérieur et vie antérieure" et que tu lui as demandé d'écouté 5 fois par jour pour "s'habituer à ta voix, pour trouver la voie de l'âme et de l'inconscient"


Avec tout ça, tu es en droit de te demander "mais pourquoi DIABLE est-ce que ça ne marche pas?"


C'est forcément que ton client fait partie des 20% des "non réceptifs" à l'hypnose. 


Alors que tu lui as affirmé que c'était un état naturel qu'il rencontrait plusieurs fois par jour sans s'en rendre compte...


C'est forcément que l'hypnose n'est pas faite pour ton client...


Lui qui pour autant rêve, vit, imagine, respire et connait des émotions comme tout le monde...

L'hypnose, une affaire de relations humaines

La vérité, c'est qu'on ne fonctionne pas tous de la même manière. Et ça aussi tu l'as vu en cours dans ton école : nous n'avons pas tous la même "carte du monde". 


Moi, je dis plus que nous n'avons pas tous le même système, ni même la dynamique au sein de ce système.


Or, nous travaillons, en tant qu'accompagnant, au service de gens, tous issus de milieux, de cultures, d'expériences de vie, de sexe, d'âge, de croyances et d'attentes différentes. 


Tout ce que je viens de citer, ce sont les variables de chacun des systèmes.


Quand tu sors d'école, ton système pour mettre quelqu'un sous hypnose, c'est méthodiquement :


Sauf que ce système autour de l'identification de l'hypnose n'est pas forcément celui de ton sujet, qui peut y trouver des conflits d'intérêt en lien avec n'importe quelle variable influençant son système. 


Lors de ce conflit de systèmes, tu peux déjà retrouver deux types de résistances : 


Les résistances relationnelles apparaissent lorsqu'un rapport humain n'a pas été construit correctement. Et c'est en général lors de l'anamnèse et de la DO que cela commence à s'immiscer. Lorsque ton client vient avec ses attentes et ses croyances, et que ces dernières s'opposent à TA vision de l'hypnose ou TA façon de voir la vie, inutile de le recadrer. D'abord parce que c'est sa vie, pas la tienne. 

Ensuite parce que tu es praticien. Donc logiquement, c'est à toi de savoir t'adapter et trouver le bon système pour répondre au système de ton patient, sans pour autant toucher à ton authenticité.

L'une des erreurs que l'on voit régulièrement c'est cette fameuse idée fausse véhiculée comme un verset de la bible lors du prétalk que "l'hypnose est un état naturel qu'on rencontre 10 fois dans la journée". 


A quoi cela te sert, que ce soit vrai ou faux, à toi, en tant que praticien, d'affirmer cela?


Qu'est-ce que cela provoque de dire cela à ton patient si, lui, il a envie de croire à une certaine magie et un certain mystère autour de l'hypnose? 


"Always be tricky" dit Bob Burns.


En sauvegardant l'intégrité du système de ton patient, alors tu augmentes tes chances d'adhésion de ce dernier à TON système. Et donc tu diminues les chances que le rapport que tu construis avec lui, en terme de confiance mutuelle, de partenariat, de travail et d'évolution finisse par entrer en conflit.



Si les tests de suggestibilité comme les doigts collés n'ont rien d'hypnotique pour ton sujet, alors, au lieu de t'ajouter de la cohérence, de la crédibilité et de l'autorité dans ta pratique, ça ne fera qu'enterrer l'efficacité du reste de l'approche.

Si ton patient a une croyance d'une hypnose où il n'a rien à faire qu'à s'asseoir sur un divan avec un plaid et que tu fais tout le travail toi même en parlant à son Inconscient, et que ça se rapproche de la détente méditative, en pensant que ce que fait Messmer sur scène est l'œuvre du diable ou qu'il n'y porte aucun crédit, tu dois comprendre qu'enchainer avec une rupture de pattern serait contreproductif...


Donc, dans la même logique que la réflexion sur le rapport, il est intéressant, AVANT de sélectionner quelle technique tu vas utiliser pour le faire entrer dans une expérience hypnotique, que tu recherches les éléments qui viennent de lui et qui te permettent d'identifier quelle technique est la bonne pour lui à cet instant précis.


Alors, tu sauras s'il vaut mieux partir sur un Elman ou sur une rupture de pattern.

Tu sauras s'il vaut mieux être "tricky" et sous les radars avec de la conversationnelle plutôt que de partir sur un voyage initiatique en mode rêve lucide, ou d'utiliser ton script vers la grotte de sécurité intérieure.

L'hypnose, aussi une affaire de libre arbitre

Il y a encore  d'autres instants où ton sujet peut rencontrer des résistances, notamment au coeur même de la séance, et après, une fois retourné tranquillement chez lui : 

Ce sont les moments où le changement est appelé à se mettre en place. 

Si nous continuons avec la théorie systémique, qui est au coeur de la construction de ma pratique, le sujet au même titre que le groupe, comme tout système, se caractérise par une série de propriétés relatives à sa stabilité.

[ Selon la définition de Von Bertalanffy, l’un des pionniers de l’analyse systémique, « un système est un ensemble d’éléments en interaction, ces interactions étant de nature non aléatoire » (Von Bertalanffy, 1973). Et, pour reprendre les termes de Krech et Crutchfield (1948), « La dynamique,… ne désigne rien de plus que l’ensemble des changements adaptatifs qui se produisent dans la structure de l’ensemble du groupe à la suite des changements d’une partie quelconque de ce groupe ». Parmi les propriétés des systèmes, il en est une qui déterminera beaucoup de réactions groupales. Il s’agit de l’homéostasie, c’est-à-dire la tendance du système, du groupe, de l'individu, à tendre vers un état d’équilibre, à maintenir son équilibre interne. Ceci explique, en partie, les phénomènes bien connus de résistance au changement. Lorsque l’on veut introduire une nouveauté dans un groupe déjà constitué, ou qu'un sujet est amené à adapter sa manière de vivre, on se heurte très souvent à une réticence, voire à une opposition. Ces résistances peuvent être d’origine individuelle ou culturelle. Elles sont aussi, souvent, le fait du groupe. 

Lewin (1951), le fondateur de la dynamique de groupes, a élaboré une théorie qui rend compte des phénomènes de groupe comme résultant de rapports de forces en opposition, en tension ou en équilibre. Cette manière de conceptualiser les choses lui a permis d’analyser la résistance au changement et d’identifier des méthodes de changement qui tiennent compte de la tendance homéostatique des groupes. Il démontre, en particulier, qu’il est plus efficace de diminuer les forces antagonistes (à un changement) qui existent à l’intérieur du groupe, plutôt que d’augmenter la pression externe. En effet, celle-ci ne va faire qu’entraîner, en contrepartie, l’accroissement de la résistance interne du groupe, renforcée qu’elle peut être par d’autres phénomènes de groupe (pression de conformité, appartenance, solidarité…).] extrait de cairn

Au même titre, et tel qu'on l'a vu hier soir dans le live du "Lab'", lorsque notre patient connait une résistance au changement, il ne sert à rien de forcer les portes à coup d'une armada de suggestions, au risque de créer un déséquilibre dans son système, qui risque d'engendrer tout un système de défense conservateur, ou un système compensatoire de ce qui a été modifié. 

Comme par exemple amplifier l'ecoeurement et le dégoût de ton patient qui vient pour arrêter de fumer en lui faisant passer sous le nez, alors qu'il est en transe sur la "planète des fumeurs", la totalité de ses mégots qu'il a collecté pendant 15 jours.


Ahhh ça va marcher, c'est quasi sûr.  Mais à quel prix de conséquences pour lui?

D'autant que les leviers de changements viennent alors de toi, sans prendre en considération l'intégrité de son système à lui.


C'est alors qu'il faut penser plus loin dans le système : qu'est ce qui motive la propension au changement? 


Qui de mieux placé que le sujet lui-même pour identifier ses propres éléments motivateurs, qui vont encourager la modification homéostatique de sa construction identitaire?


Personne de mieux que lui-même.


C'est alors qu'on se rend compte qu'un protocole ou un script sont bien trop souvent enfermant ou influenceur du sujet. Rédigé, ou monté de manière globale, il ne peut être efficace qu'avec les sujets qui acceptent l'influence provoquée par ces derniers, car il ne sont pas issus du système propre au patient.


Si nous voulons alors rendre nos accompagnement plus efficaces, à plus long, terme, sans conséquences comportementales ou alternative compensatoires, alors il faut nourrir le changement avec le système du patient lui-même.


Il faut lui permettre d'identifier en lui les éléments qui vont le motiver à pérenniser le changement et à l'intégrer naturellement au sein de son système, comme une mise à jour fixerait un bug sur votre ordinateur. 


Sauf que le programmateur, c'est pas vous, c'est l'ordi lui-même. 


Il aura le droit de tirer son homéostasie vers où bon lui semble alors, mais en ayant retrouvé un équilibre qui lui est personnel, que ce soit dans la conservation de son état initiale (en ayant fait évoluer la position conflictuelle qu'il en avait vers une position saine et fluide) ou dans le progressisme de son état à venir (en ayant fixé avec ses ressources le problème conflictuel au sein du système et en ayant intégré de manière fluide et saine cette évolution adaptative)


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