Il y a encore d'autres instants où ton sujet peut rencontrer des résistances, notamment au coeur même de la séance, et après, une fois retourné tranquillement chez lui :
Ce sont les moments où le changement est appelé à se mettre en place.
Si nous continuons avec la théorie systémique, qui est au coeur de la construction de ma pratique, le sujet au même titre que le groupe, comme tout système, se caractérise par une série de propriétés relatives à sa stabilité.
[ Selon la définition de Von Bertalanffy, l’un des pionniers de l’analyse systémique, « un système est un ensemble d’éléments en interaction, ces interactions étant de nature non aléatoire » (Von Bertalanffy, 1973). Et, pour reprendre les termes de Krech et Crutchfield (1948), « La dynamique,… ne désigne rien de plus que l’ensemble des changements adaptatifs qui se produisent dans la structure de l’ensemble du groupe à la suite des changements d’une partie quelconque de ce groupe ». Parmi les propriétés des systèmes, il en est une qui déterminera beaucoup de réactions groupales. Il s’agit de l’homéostasie, c’est-à-dire la tendance du système, du groupe, de l'individu, à tendre vers un état d’équilibre, à maintenir son équilibre interne. Ceci explique, en partie, les phénomènes bien connus de résistance au changement. Lorsque l’on veut introduire une nouveauté dans un groupe déjà constitué, ou qu'un sujet est amené à adapter sa manière de vivre, on se heurte très souvent à une réticence, voire à une opposition. Ces résistances peuvent être d’origine individuelle ou culturelle. Elles sont aussi, souvent, le fait du groupe.
Lewin (1951), le fondateur de la dynamique de groupes, a élaboré une théorie qui rend compte des phénomènes de groupe comme résultant de rapports de forces en opposition, en tension ou en équilibre. Cette manière de conceptualiser les choses lui a permis d’analyser la résistance au changement et d’identifier des méthodes de changement qui tiennent compte de la tendance homéostatique des groupes. Il démontre, en particulier, qu’il est plus efficace de diminuer les forces antagonistes (à un changement) qui existent à l’intérieur du groupe, plutôt que d’augmenter la pression externe. En effet, celle-ci ne va faire qu’entraîner, en contrepartie, l’accroissement de la résistance interne du groupe, renforcée qu’elle peut être par d’autres phénomènes de groupe (pression de conformité, appartenance, solidarité…).] extrait de cairn
Au même titre, et tel qu'on l'a vu hier soir dans le live du "Lab'", lorsque notre patient connait une résistance au changement, il ne sert à rien de forcer les portes à coup d'une armada de suggestions, au risque de créer un déséquilibre dans son système, qui risque d'engendrer tout un système de défense conservateur, ou un système compensatoire de ce qui a été modifié.
Comme par exemple amplifier l'ecoeurement et le dégoût de ton patient qui vient pour arrêter de fumer en lui faisant passer sous le nez, alors qu'il est en transe sur la "planète des fumeurs", la totalité de ses mégots qu'il a collecté pendant 15 jours.
Ahhh ça va marcher, c'est quasi sûr. Mais à quel prix de conséquences pour lui?
D'autant que les leviers de changements viennent alors de toi, sans prendre en considération l'intégrité de son système à lui.
C'est alors qu'il faut penser plus loin dans le système : qu'est ce qui motive la propension au changement?
Qui de mieux placé que le sujet lui-même pour identifier ses propres éléments motivateurs, qui vont encourager la modification homéostatique de sa construction identitaire?
Personne de mieux que lui-même.
C'est alors qu'on se rend compte qu'un protocole ou un script sont bien trop souvent enfermant ou influenceur du sujet. Rédigé, ou monté de manière globale, il ne peut être efficace qu'avec les sujets qui acceptent l'influence provoquée par ces derniers, car il ne sont pas issus du système propre au patient.
Si nous voulons alors rendre nos accompagnement plus efficaces, à plus long, terme, sans conséquences comportementales ou alternative compensatoires, alors il faut nourrir le changement avec le système du patient lui-même.
Il faut lui permettre d'identifier en lui les éléments qui vont le motiver à pérenniser le changement et à l'intégrer naturellement au sein de son système, comme une mise à jour fixerait un bug sur votre ordinateur.
Sauf que le programmateur, c'est pas vous, c'est l'ordi lui-même.
Il aura le droit de tirer son homéostasie vers où bon lui semble alors, mais en ayant retrouvé un équilibre qui lui est personnel, que ce soit dans la conservation de son état initiale (en ayant fait évoluer la position conflictuelle qu'il en avait vers une position saine et fluide) ou dans le progressisme de son état à venir (en ayant fixé avec ses ressources le problème conflictuel au sein du système et en ayant intégré de manière fluide et saine cette évolution adaptative)