Quand ton patient n'arrête pas de parler (et que tu n'avances pas sur son problème)


Salut toi!

J'ai eu une question particulièrement intéressante ce matin en supervision.

Le thérapeute que je suis me parle d'une femme qu'il suit pour un deuil, et il me dit "Je ne pouvais plus l'arrêter de parler. Elle me racontait toute la misère du monde qui lui tombait dessus, mais pas moyen d'en placer une."

Je lui ai donc posé une question : 

"Qu'est-ce qu'il se passe quand nos patients n'arrêtent pas de parler et que leurs histoires tournent en boucle comme un vieux disque rayé?"


Et bien, c'est que le disque est rayé. Et pour qu'il soit rayé, il faut qu'il y ait une rayure. Cette rayure, elle attend le disque d'une certaine manière, différente pour chacune des rayures pour chacun des disques. Des fois, il suffit d'un coup de chiffon sur le disque, et quelque fois, la rayure fera partie intégrante de son identité de disque.

Où je veux en venir avec mon histoire de disque?

Lorsqu'une situation nous marque, et s'ancre comme un traumatisme en nous, c'est que cette situation vient déconstruire une part de notre identité. Lorsqu'un père meurt pour son fils, c'est l'importance de l'influence du père sur la vie de son fils qui rendra d'autant plus pénible la reconstruction de ce dernier. C'est le vide sidéral qu'il laisse à l'intérieur du coeur de ce jeune homme qui fait que ce sera une souffrance, et qu'il faudra s'adapter en "comblant ce vide" d'une autre manière.

Plus le rapport d'influence est grand, plus le père a une importance capitale dans l'identité et la construction de la personnalité de son fils, plus son fils aura du mal à se réhabiliter, à s'adapter à son absence comme référence. Plus la rayure sera profonde.


Et quelque fois, on grandit avec cette rayure béante, cette plaie ouverte qui ne veut pas cicatriser. Alors on en parle et on le partage, jusqu'à ce qu'en parler devienne une action propre à notre identité.


Ce qu'il faut comprendre thérapeutiquement, c'est que le problème n'est pas ce qui est dit, mais comment c'est dit et pourquoi c'est dit. Quand la cliente de mon élève est venue le voir, et qu'elle a raconté son histoire dans un flot de parole ininterrompu, il y a plein de questions à se poser sur cette rayure au disque :




Très difficile de répondre aux questions précédentes sans entrer dans l'interprétation. C'est pour cela que je forme mon élève à l'analyse du comportement pour en déchiffrer les informations pertinentes qui vont vraiment l'aider à identifier : 


Quelque fois, un décès d'un être cher révèle en nous des solutions à d'autres traumatismes plus anciens et plus refoulés. Comme un sentiment d'abandon ou de non reconnaissance, qui trouve une solution dans le fait que, quand on parle de notre histoire tumultueuse et de notre perte, tout le monde nous écoute et nous porte enfin l'attention que l'on mérite. 

Comment alors se priver d'un élément qui nous fait certes souffrir - comme ressasser en permanence le décès de l'être cher - quand cet élément nous permet de combler ce mal-être plus sourd, mais présent depuis si longtemps?


Ce qui est énoncé par le sujet/patient n'est que la part émergée d'un iceberg gigantesque. Et sa particularité, c'est qu'en tant qu'iceberg, il n'a pas plus conscience que ce que vous avez la connaissance de ce qu'il a vécu. Il ne ressent (alors que vous ne faites que la voir) uniquement la partie à l'air. Ce qui est sous l'eau est pourtant là, l'influence, se joue de lui en permanence, et construit une perception très souvent différente de ce qu'est la réalité de ces influenceurs. Ainsi, l'histoire du deuil pourrait n'être qu'un avatar d'un problème plus profond et refoulé de ce qui fait vraiment souffrir cette dame, comme le fait de se retrouver dans une solitude profonde et silencieuse, faisant écho à des traumatismes antérieurs.


Ainsi, dans l'histoire de vie que vous partage votre patient, il ne s'agit pas de juste entendre les mots qu'elle prononce, mais de savoir porter attention à tout ce qu'elle n'a pas conscience de nous dire : 


Ecouter une personne, c'est aussi savoir aller plus loin que de tendre l'oreille. Tends les deux, plus tes yeux et toute tes capacités d'attentions portée sur ton client, intégralement.

Et tu verras que beaucoup beaucoup d'informations vont te sauter aux yeux et te faire dire qu'il y a surement autre chose de pertinent derrière cette histoire.

Tu veux en savoir plus? Rejoins nous sur le coin des praticiens, c'est gratuit, et tu trouveras des replays et des exercices qui t'aideront à développer ton observation et ta justesse thérapeutique.

Et si tu veux un accompagnement personnalisé pour aller encore plus loin ensemble, contacte moi!