Le rapport : clef de voûte de la séance


Salut toi!

Construire un bon rapport avec son patient n'est pas chose aisée hein? Il y a des fois où on se retrouve un peu comme un con, à ne pas trop savoir quelle place prendre... 

Ou pire... On prend une place qui apparemment n'est pas tellement en phase avec le patient... 

Et...

ça part en sucette....

Construire un rapport solide et à toute épreuve avec son patient (et d'ailleurs avec n'importe qui dans ta vie dès lors que tu commences à communiquer avec quelqu'un) est l'élément le plus important. 


Tout est question de rapport.


Bien souvent, nous pensons que le rapport se construit en fonction d'une position psycho sociale. Savoir prendre une position haute, c'est à dire de leader, d'Alpha de la séance permettrait d'accueillir le client dans une ambiance que l'on définirait en fonction du stéréotype dans lequel nous le catégoriserions.

Du genre, finir par dire "Ah toi! t'es au moins un 6 dans l'énnéagramme" en mode "j'ai tout compris de toi", assénant tout son profil psychologique à grand coup d'effet Barnum... En étant soi-même persuadé d'avoir tout compris à l'être humain...

L'ennéagramme, si tu en es fan, peut avoir une utilité, à condition de savoir remettre à sa place tout ce qu'il apporte comme pistes au thérapeute qui l'utilise. L'ennéagramme, comme tout outil prédictif, doit être utilisé au rang de PROBABILITE et d'HYPOTHESE.

ça veut dire en gros, que si tu penses que ton client est un 6, ou un 4 avec les traits refoulés d'un 1 et d'un 7, et que ça t'aide à prédéfinir une hypothèse de comportement à avoir en retour avec lui... Why not... Tant que tu t'abstiens bien de lui balancer tout son profil psychologique que tu as dressé toi même, du haut de tes 4 jours de formations, à la figure...

Non tu n'apprendras pas à ton sujet à mieux se connaître avec l'ennéagramme.

Au moins pire (on ne peut pas dire au mieux...)  il va te prendre pour un crétin parce qu'il va de suite être assez malin et sûr de lui pour te dire que ça ne lui correspond pas assez, 

Au pire du pire, (parce que c'est quand même le pire) il est tellement paumé dans sa vie et dans sa construction identitaire, qu'en tant que figure d'autorité, tu vas finir de l'influencer dans la perception qu'il a de lui-même. 

En gros, bravo, tu viens de manipuler ton sujet en lui collant une définition de lui-même dans les mains, qui correspond à ta vision que tu as de lui, sans autre choix que de la voir s'afficher devant ses yeux tous les jours.


Concrètement, là, c'est exactement le genre de construction de rapport qui peut te paraitre solide sur le coup, mais qui est absolument merdique.


En mode gros chêne, type "je suis sachant et je te donne ma toute puissance de sachant à toi, petit mortel perdu... Bois mon elixir jusqu'à exploser de la révélation divine que tu vas connaître..."


Si tu veux construire un rapport solide, il faut étonnement savoir apprendre à faire preuve de la souplesse et de la discrétion légendaire du roseau.


Pour cela, je me tue à dire tous les jours aux élèves que je suis en supervision, et encore pas plus tard que ce matin : 


 tu as 4 grands axes à développer pour assurer un rapport de qualité :


Porter une attention, ça veut dire savoir s'accorder un moment d'observation et d'écoute actif et objectif.

L'idée, c'est de mettre 100% de tes capacités sensorielles au profit de l'observation que tu fais de ton patient avant d'ouvrir la bouche.

Et, pas simplement quand il arrive et que tu lui serres la main. 

Mais à chaque instant, du début de votre relation (que ce soit au téléphone 5 jours avant ou devant la porte du cabinet) jusqu'à la dernière seconde de la dernière séance menée avec lui.

Et de profiter pour commencer à récupérer le plus d'informations sur notre sujet sans les interpréter. Juste de manière factuelle (Quand il parle de ça, il se met à tel endroit de la pièce, il semble se recroqueviller, son corps est plus arqué, ses mains tremblent...)

Si tu rajoutes un "parce que" (du genre parce qu'il est stressé) ou un "il croise les bras, c'est que..." (du genre "c'est qu'il se braque"), fais demi-tour, tu es dans le jugement et l'interprétation.

Pire, tu es dans le cliché populaire du comportementalisme à deux balles qui fait succès sur les réseaux.

Reste juste neutre et factuel.


Dès que tu bouges, dès que tu ouvres ta bouche pour émettre un son, ou que tu lèves le doigt pour te gratter le nez, tu vas avoir un impact sur le comportement du patient.

Parce que le jeu n'est pas à sens unique. Il est réciproque.

Lui aussi est en train de te jauger. Sauf que, normalement, lui est amateur... Toi tu joues en ligue pro.

Donc c'est à toi d'avoir conscience de ça.

Il y a donc deux raisons pour commencer à l'ouvrir : 

Soit tu as assez d'informations recueillies à propos de ton patient et tu commences à avoir des statistiques probantes, qui dessinent devant toi une manière de te comporter avec ton sujet, et un semblant de problématique qui apparaît (et tu peux lire l'article sur la DO pour continuer)

Soit le patient ne t'a rien lâché. Tu n'as rien choppé d'intéressant dans l'observation que tu en as fait, et il va falloir le stimuler.

La seconde te ramènera incontestablement à la première à un moment donné, et il faudra alors que tu adaptes à nouveau ton comportement.


Un mot que tu as sorti qui a un impact sur ton sujet inattendu? Le son strident provenant de la rue? Un changement radical et inexpliqué du comportement de ton patient dans la construction du rapport?

Tu reprends l'observation, tout en continuant à stimuler, et à chercher à comprendre pourquoi ça a foiré.

Et tu t'adaptes. 

Se dire "je prends une position haute" dans cette relation, ou "une position basse", c'est rendre manichéen quelque chose qui se teinte de milles nuances.

C'est rendre quelque chose statique alors qu'elle est dynamique.

La manière que tu auras de prendre le lead ou de le laisser au sujet, d'être plus directif ou plus permissif, plus provocant ou plus maternant… Va évoluer au fur et à mesure que la relation se construit, et chacun de ces éléments vont s'accorder, dans un équilibre fragile et mouvant... 

Et c'est à toi d'accorder la balance pour qu'elle reste bien équilibrée.


Ce qui nous emmène à ce point : tout ce qui est fait, dit ou suggéré, est communiqué. Ce qui veut dire qu'absolument tout ce qui est extériorisé, volontairement ou involontairement, par le patient ou par toi, praticien, a des impacts sur chacun d'entre vous, que l'information vienne de l'un ou de l'autre.

Si ton patient en vient à se croire chez le psy parce que tu le harcèles de questions et de recadrages sur sa vie, chacune des questions t'enfoncent un peu plus dans le stéréotype dans lequel il est en train de te classer (comme toi tu aurais pu le faire avec l'énnéagramme...). 

Et de ton coté, le fait de le sentir se fermer, raccourcir ses réponses, puis s'agacer avant de te balancer "euh... Je suis pas venu pour une séance de psy... Sinon je serais allé voir... Un psy!" peut te faire peu à peu perdre confiance dans le lead que tu as sur lui, et t'incite, de plus en plus perdu, à utiliser des clichés de psys pour te réfugier... 

Le malaise grandissant de voir se co-nourrir deux comportements mal interprétés... Bouclant la boucle d'un rapport mal engagé.


Sauf que lui, c'est pas un pro. Donc il fait ce qu'il veut.


Toi en tant que pro, il faut que tu saches remarquer, à chaque étape citées plus haut, ce qui va avoir un impact délétère à la relation avant que ton sujet n'en prenne conscience, pour te réajuster.


Pour cela, il faut comprendre que ces axes, ils ne sont pas rangés chronologiquement... Ils sont anachroniques et synchrones. 

Je dirai même omniprésents, pour qu'ils puissent te permettre de pouvoir reconnaitre quand un coup a été mal joué, et trouver la parade qui va permettre d'enrayer le processus de catégorisation de ton patient sur toi, et te permettre de reconnaitre chez toi quand tu commences à entrer dans des schémas de projection et d'interprétation.


Créer un rapport humain, c'est de la séduction dans son essence même. 

Non pas avec l'objectif final de finir sous la couette,

 Mais dans la volonté d'une mise en valeurs d'affinités partagées, et d'un partenariat solide, basé sur la confiance et la découverte de l'autre.

Il faut donc apprendre à rester "Gris".  Rester gris, c'est s'accorder le droit de rester soi-même (parce que tu auras beau t'oublier en séance et faire "comme si" tu n'existes pas pour laisser 100% de la place au patient, tu es dans un échange, donc de fait, tu existes.) sans pour autant laisser apparaître les détails de notre spectre de couleur.

être "gris", c'est être fondamentalement authentique, en gardant toutes les réserves de ne dévoiler que ce qui doit être dévoilé.

C'est entretenir le mystère.


Cela pose deux conditions : 


Eviter de divulguer tout élément qui pourrait aller à l'encontre des croyances et de attentes du sujet. 

Un patient qui arrive en disant "pour moi l'hypnose ça a un truc magique, et il y a une part de don spirituel comme le magnétisme"

Annoncer sa couleur serait "Ben en fait l'hypnose c'est un état tout à fait naturel dans lequel on rentre 5 à 7 fois par jour sans s'en rendre compte"

Alors qu'on peut rester gris en disant "Ok! et vous attendez quoi de ce coté magique?"

Vous allez dans le sens du sujet, sans pour autant avoir confirmé ou infirmé ses propos. Et en plus vous tirez des informations sur la manière de vous comporter plus tard dans la séance.


Ne pas rentrer dans le mensonge ou la théâtralisation

Soyez juste vous même. Mais avec réserve. 

Ne vous affichez pas.

Et ne pas s'afficher, c'est en dire et en faire le moins possible.

Le moins possible TOUT COURT.

Car dans l'autre sens, en faire des tonnes à l'encontre de qui vous êtes, c'est prendre une couleur que vous n'êtes pas. 

Comme changer sa voix  à outrance pour une séance "plus bienveillante"

Comme jouer au Chamane en décorant son cabinet de tambours et de bols tibétains, avec un cristal de quartz tous les 5 cm.

Comme claquer des doigts à outrance.

Comme se calibrer en imitant toute la gestuelle du patient.

Vous êtes dans un rapport humain de thérapie... Vous n'êtes pas dans une performance théâtrale.

Et pour chaque chose que je viens de citer, auxquelles vous pouvez croire profondément personnellement, vous générez des influences qui peuvent venir mettre à mal ce que le patient attend de vous, et ce qu'il vient chercher.

C'est très bien d'avoir des croyances. Mais en tant que professionnel, vous aurez tout intérêt à ne pas trop divulguer votre positionnement, pour laisser le maximum de portes ouvertes à l'identification que le patient aura sur vous. 



Je dis souvent à mes élèves "jamais plus de 3 mots".

C'est le nombre de mots maximum que devaient contenir leurs relances ou leurs suggestions portées au sujet.

Exercice difficile, mais qui nous apprend une chose fondamentale :


Pas besoin d'en faire des caisses pour savoir taper juste, A partir du moment où on décide d'observer le patient, plutôt que de se regarder soi en train de performer.


C'est en étant aussi souple et aussi discret que le roseau, que tu pourras infiltrer les plus grands secrets de ton patient.

Comme le roseau lui-même glisse ses racines sous la maison, jusqu'à en déplacer les fondations.


Le chêne, lui, on le voit, il est beau... Mais le seul moment où il touche la maison, c'est quand il tombe dessus, agonisant et déraciné, en l'éclatant.


C'est un truc que je dis et que je répète sur le coin des praticiens et en supervision. Le rapport, c'est compliqué, mais le rapport, c'est la clef. Viens nous rejoindre sur le lab' des praticiens et récupérer les ressources que je partage sur le sujet :