Comment bien utiliser les scripts en hypnose

(Parce que tu en as marre d'être un renégat sur les groupes pros)


Salut toi!

Tu travailles scripté. 

ça veut dire que tu utilises des scripts pour faire tes séances. 

Le plus souvent ce sont des scripts qu'on t'a fait rédiger en école.

Ou encore, tu les achètes à l'unité pour compléter ta collection de documents prêts à être dégainés à la moindre demande.

Pourquoi pas.


Ou tu détestes viscéralement (mot compte double) les scripts. 

Ils te sortent par les yeux, le nez, la bouche, et tu te transformes en Berzerk (mot mystère) dès qu'un thérapeute t'en demande un à 24h de sa séance sur ton ta communauté hypnose préférée.

 Bienvenue au club. 

Je dois être le plus grand détracteur de cette manière de travailler. 


Pour autant, un script ça reste une technique. 

C'est inerte. 

Donc ce qui me rebute, ce n'est pas le script, c'est la manière dont il est utilisé dont j'ai été témoin jusque là.

Mais pour autant, il y a surement une manière acceptable, voir même carrément intéressante, de travailler scripté.


Loin des conseils maintenant répétés sur tous les sites par d'autres professionnels comme "un script doit être fait sur mesure pour le client" ou "il faut savoir adapter sa narration sur l'instant".

ça c'est judicieux, c'est vrai, c'est éloquent, 


mais je pense que tu l'as bien compris et qu'on te l'a bien répété.


Un bon script, si tant est que tu travailles de cette manière, c'est non seulement un script adapté au client, mais aussi un script dénué de tout positionnement et de toute influence du thérapeute.


Au zénith des courants new Age ou nous devons tirer notre force de la sagesse, de la sérénité et de la lumière, nous avons tendance à régler tous les problèmes à coup de "et remarque comme tu te sens bien" ou "et tu peux observer toute cette sérénité qui te porte et te rend plus grand.e, bien au dessus de ton problème"


Voici des exemple typiques d'influences qui, sur le coup, vont certainement avoir un effet bénéfique sur ton sujet et "régler" son problème.


Mais...


A quel prix?


Prenons cet exemple de script que j'ai trouvé sur le net, typé métaphore : 


Et cette histoire me revient tout d’un coup…une histoire que me raconta ma grand-mère un jour…..au sujet d’une femme qu’elle connaissait…

Alors qu’elle se promenait insouciante et légère avec des amis sur des chemins de  campagne, tout d’un coup en se retournant elle ne vit plus personne…..surprise elle se retourna de tous les cotés mais en vain, plus personne n’était là ….Devant elle, 3 chemins se dessinaient mais elle ne savait pas lequel prendre….prise de panique, elle ne savait plus quoi faire…et se sentait perdre ses moyens ….son corps se raidissait de peur et l’angoisse lui nouait le ventre…..D’autres personnes se promenaient , allaient et venaient , bavardaient et souriaient ,  mais elle , elle était incapable de bouger, de parler pour demander son chemin….

C’est alors que s’approcha d’elle une femme…jeune ou vieille je ne sais plus…une présence bienveillante et douce surgit de je ne sais ou…. Et tout en lui souriant avec bonté lui dit alors en lui tendant un coffret :

«  Vous avez perdu cela….c’est très précieux…alors je l’ai mis dans ce coffret ….. »

La femme  étonnée ouvrit le coffret et aperçu une belle lumière blanche à l’intérieur… une boule de lumière…. Et immédiatement elle se sentie mieux…inondée de paix, de sérénité…. Complètement rassurée ….alors cette femme bienveillante lui dit ;

« Cela est à vous, vous avez du le perdre….cette partie profonde de vous-même sage et confiante….cette partie qui vous guide et vous conduit….toute la quiétude et l’assurance à l’intérieur de vous même, comme une sagesse … …une  pierre précieuse…. comme un guide intérieur … qui vous guide dans vos actions, vos pensées…., vos paroles…il sait tout ce qui est bon pour vous …. Et il connait toute votre valeur…car chacun de nous avons une grande valeur n’est ce pas ?....Et il est vrai que c’est en se perdant que l’on retrouve son chemin….comme une évidence … une confiance…intime… et suprême …. Une force qui nous fait avancer avec sérénité …, déterminée ….quand on sait qu’on sait….gardez cela précieusement en vous….toujours …. ; laissez là briller en vous  et vous serez éclairée  à nouveau … de l’intérieur ….C’est plus facile pour retrouver son chemin…. C’est mieux… »

Tandis que la silhouette s’éloignait, la femme reprit sa promenade …, enrichie de toute cette confiance, éclairée de toute cette sagesse avec assurance et détermination….elle ressentait ce nouvel équilibre, tout en avançant avec  cette certitude, cette joie intérieure, ce nouveau regard … ces amis étaient là ….finalement pas très loin d’elle et lui souriaient … … pour ce qu’elle est, parce qu’elle est … dans sa vie…. 


Maintenant décortiquons ensemble ce script pour en comprendre les impacts : 


En annonçant que c'est notre histoire, qui nous a été conté par notre grand mère, nous jouons sur un biais d'influence : l'argument d'autorité.

Nous l'avons construit sur les croyances sociales occidentales que la sagesse vient avec l'âge et nous l'avons renforcé par notre position de thérapeute, souvent assimilé comme celui d'un conseiller, ou d'un exemple d'une vie bien menée et d'obstacles franchis. 

D'ailleurs combien de thérapeutes justifient leur profession en disant que l'hypnose a changé leur vie, et qu'il veulent à leur tour aider les autres à changer la leur...

En jouant sur ces arguments d'autorité, nous optimisons l'impact de ce qui va être dit. 

Cela peut être intéressant de suivre une stratégie d'autorité. 

Parce qu'elle nous donne du pouvoir sur le sujet.

Mais un grand pouvoir implique de grandes responsabilités (c'est tante May qui l'a dit à Spiderman sur la Terre-199999 ... )

Ce qui veut dire que cette stratégie sera "Fare" (juste) si ce que vous racontez derrière est "Clean" (propre), et qu'elle s'arrête à atteindre un objectif mesuré.

Par exemple, utiliser un argument d'autorité construisant une métaphore peut être super utile pour travailler le rapport et la notion d'identification. Ca permet de jouer sur deux autres biais d'influences : l'argument de communautarisme (Ahhh il lui est arrivé des choses similaires à mon thérapeute!) et l'argument de cohérence et de réciprocité (Il est chouette, il me donne des infos sur sa vie en rapport avec mon état, je peux continuer à lui raconter mon histoire en toute confiance)


Par contre, cela peut poser des problèmes si vous poussez, comme là, la métaphore jusqu'à donner une solution au problème.



Le début de la métaphore précédente est plutôt bien construite, posant, dans le premier paragraphe, l'architecture d'une situation, comportant un contexte initial (une femme se ballade avec des amis), un personnage principal (la femme, insouciante, légère et que ma grand-mère connait) et un élément perturbateur faisant écho au problème du sujet (Elle se retrouve seule incapable de faire un choix face à trois chemins)

Puis apparaît l'élément solutionniste (une femme sortant de nulle part adjectivée par bienveillante douce et pleine de bonté qui tend un coffret rempli d'une lumière blanche qui inonde de paix, de sérénité et qui rassure.)


Quel est le souci avec cet élément? 


C'est qu'à aucun moment ces éléments solutionnistes ne sont inspirés du vécu de votre patient. Ils appartiennent, soit à votre perception de l'histoire si vous êtes l'auteur du script, soit à la perception de l'auteur. 


Ce qui veut dire que vous prenez deux risques :

Soit vous influencez le sujet qui trouvera sa salvation dans la bienveillance, la bonté et la sérénité d'une lumière blanche, alors qu'il n'en avait absolument rien à carrer des lumières blanches jusque là, grâce au arguments d'autorité qui ont été posé en première partie...

Soit vous prenez le risque que tous vos efforts de récitation de ce magnifique texte tombe à l'eau, sans même y provoquer une onde... Parce que votre patient n'en a rien à carrer d'une lumière blanche dans un coffre...


Pour faire simple, la solution de secours pourrait être ici, de rajouter juste après cette partie  : 

La femme  étonnée ouvrit le coffret et aperçu une belle lumière blanche à l’intérieur… une boule de lumière…. Et immédiatement elle se sentie mieux…inondée de paix, de sérénité…. Complètement rassurée ….

Ceci

Ajouter ce cours passage de dialogue permet au patient de s'approprier l'histoire, en y intégrant des éléments auquel il s'identifie réellement et pleinement, puisqu'il en est lui même le décideur.

Et ses réponses deviennent alors les pierres angulaires du reste de votre métaphore, établissant un pont entre votre storytelling et votre rôle de guide dans le changement de votre sujet.


Ce qui permettra d'éviter le flot d'influence que vous pouvez dès maintenant repérer dans le reste de la métaphore que je vous ai citée.


Oui.

Primordial.

Déjà parce que des éléments apportés par le sujet auront forcément un impact, puisqu'ils seront des éléments facilitant son identification au personnage principal de votre métaphore.

Et ensuite parce qu'ils vous éviteront, alors que le patient s'engage de plus en plus dans cette identification et ressent davantage les parallèles avec sa propre histoire et son propre problème de confiance en soi, d'ancrer des influences, des sentiments, des solutions, qui ne lui correspondraient pas du tout initialement, mais qu'il pourrait être amené à accepter par votre influence.

Reprenons le reste de la métaphore : 


" Cela est à vous, vous avez du le perdre….cette partie profonde de vous-même sage et confiante….cette partie qui vous guide et vous conduit….toute la quiétude et l’assurance à l’intérieur de vous même, comme une sagesse … …une  pierre précieuse…. comme un guide intérieur … qui vous guide dans vos actions, vos pensées…., vos paroles…il sait tout ce qui est bon pour vous "


Dans cet exemple, nous retrouvons des mots qui ne viennent pas du patient. "Sage", "Confiante".

Nous retrouvons aussi le besoin d'une partie séparée du sujet lui-même, ce qu'il y a dans la boite qui est personnifié comme une scission de nous même à "l'intérieur" de nous étant "un guide" qui sera désigné plus tard comme " une force suprême, intime".

Aucun de ces éléments ne viennent du sujet.

Et tous ces éléments suggèrent que la confiance en soi ne se base que sur le fait de se sentir renforcé de cette part de soi qu'on avait perdu et qu'on nous rend dans un coffre.

C'est peut-être acceptable et assimilable par une petite partie de personnes.

Mais pas par toutes.

Pour d'autres, la confiance en soi passe par toutes les difficultés et toutes les étapes que l'on a pu vivre tout au long de notre vie.

Pour d'autres encore, ils pourraient ne rien voir dans la boite. Parce qu'ils ne se connaissent fondamentalement pas. Comme ses personnes incapables de faire un choix pour eux, de peur de faire le mauvais, celui qui risque de ne pas aller dans le seul de l'autre. Car ils n'existent que pour l'autre.


Des exemples "d'autres", il y en a autant qu'il y a d'humains sur terre. Et croire que la confiance nous est rapporté dans la bienveillance et dans la bonté pour tout le monde, et qu'elle est représentée par une force intérieure "suprême" ou comme on entend des fois "cosmique" ou "mythique" serait une erreur qui nous emmènera à porter une grave atteinte à la libre construction identitaire de notre patient.


Nous pourrions réécrire cette partie, par exemple, comme ceci juste après la partie dialogue que nous avons ajouté : 

"Cela est à vous. Cet élément qui vous fait ressentir [émotions verbalisées par le patient]. Et je me demande ce que cela provoque en vous alors que, vous vous sentiez dans la même position que la jeune femme devant les 3 chemins. Et ce que ça provoque vous pouvez me le dire, ou me le montrer avec votre corps. Est-ce qu'il se redresse? Plus sûr de lui? Ou est-ce qu'il se recroqueville? 

[réponse comportementale du sujet qui se redresse ou se recroqueville]

Et alors que votre corps réagit [positivement en se redressant] vous pouvez remarquer tout ce que vous apporte ce que vous avez retrouvé, et je me demande alors comment vous pouvez vous assurer de ne plus le perdre. Exactement comme ça. 

Et alors que votre corps réagit [en se recroquevillant] je me demande ce qu'il faudrait de plus, pour pouvoir se sentir mieux dans cette situation qui nous fait nous recroqueviller. Ce qui va nous permettre de franchir l'obstacle, et de reprendre confiance en soi.

Tu peux voir ici que le script se scinde en deux parties. 

Soit en green flag, 

soit en red flag. 

Et ce n'est pas pour rien. 

L'essence même d'un bon script, c'est d'être tellement clean dans ce que l'on raconte, qu'il doit laisser la possibilité que les solutions apportées ne soient pas des solutions suffisantes. 

Et en tant que thérapeute, il est de notre devoir de nous en assurer.


Pour résumer, 

Je viens de te livrer là ce que je fais habituellement en tête à tête avec un thérapeute en supervision pour améliorer sa pratique. 

La controverse des scripts est encore super présente et tu peux vite te faire démonter en fonction de l'endroit où tu le demandes (et j'étais comme dit au début le premier à dégommer furieusement les scripteurs)

Alors j'ai passé du temps à te faire cette analyse pour qu'elle t'aide à améliorer ta pratique.

Si tu galères à rédiger tes scripts, prends note qu'il se construit sur un objectif clairement identifié pour et par ton sujet (tu peux lire l'article sur la définition d'objectif ici).

Il se construit aussi en justifiant et en assumant les outils d'influence qui te permettent de rendre ton histoire intéressante, pertinente et carrément touchante pour ton sujet, en améliorant aussi votre rapport et la confiance qu'il te porte, ce qui va te permettre de construire une induction toute en douceur, fluide, et sans effort.

Il doit être dénué de tout qualificatif qui puisse être  une influence dans le choix du changement (ou du renforcement) dont le sujet a besoin. Parce que tu ne connais pas sa vie, ni toutes ses croyances, ni ses intérêts, et que ce sont justement les éléments qui seront les plus forts pour provoquer un changement qui vient vraiment de lui-même.

Il doit te permettre d'évaluer le changement. Il doit te permettre de jauger s'il a des conséquences immédiates positives ou négatives, pour t'orienter sur le reste de ta séance, ou au contraire y mettre un point final.

Enfin, un script doit te permettre d'avoir une communication bilatérale avec ton patient. Car tu as besoin d'informations et de réactions qui viennent de lui pour réaliser chacun des étapes citées au dessus.


Je te laisse chercher tous les éléments qui peuvent représenter une influence sur le patient dans le reste du texte et tu me dis ce que tu as trouvé en commentaire et pourquoi tu penses que c'est une influence ok?



Viens nous rejoindre sur le lab' des praticiens et récupérer les ressources que je partage sur le sujet :